Marika Lhoumeau : « J'étais devenue Margot »

02 janvier 2023

Marika Lhoumeau : « J'étais devenue Margot »

Janvier est le Mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer. C'est l'occasion de découvrir le témoignage de la réalisatrice et comédienne Marika Lhoumeau. Elle nous raconte comment la maladie a rebrassé les cartes de la relation avec son père, lui faisant ainsi parcourir un deuil blanc qu’elle n’avait ni soupçonné ni imaginé. Voici l'histoire de Marika, de Roger et de Margot.

Marika Lhoumeau

Margot

Marika Lhoumeau évoque d'emblée le jour où son père Roger s'est mis à l'appeler Margot. À partir de ce moment, Roger, atteint de la maladie d'Alzheimer, oublie complètement avoir eu des enfants et croit voir en Marika sa petite amie d'enfance, Margot.

Il y a eu un moment où j'essayais de le ramener. J'avais l'impression qu'il pourrait se souvenir ou revenir à notre réalité. (...) Ça le mettait dans l'anxiété. Il me reconnaissait quand j'arrivais, il savait que j'étais quelqu'un de familier qu'il aimait beaucoup. Mais j'étais devenue Margot.

Roger

La relation de Marika avec son père a toujours été complexe. Exigeant, Roger se projetait beaucoup dans la réussite de sa fille. Une fois manifestée, la maladie d'Alzheimer change considérablement la dynamique de la relation père-fille.

C'est comme si j'étais libérée de mon rôle de fille. Ça libérait Marika des attentes que mon père aurait pu avoir envers moi ou des attentes que j'aurais pu avoir envers lui et qui dataient de longtemps. (...) je suis sortie de mon rôle de la-fille-de-Roger-qui-doit-agir-de-telle-manière. Je suis juste devenue moi et lui est juste devenu lui. (...) Comme si on devenait deux personnes qui, dans ce moment-là, s'aiment. (...) J'ai pu aimer mon père comme il aurait voulu que je l'aime toute sa vie.

Marika fait alors le deuil blanc d'une certaine relation filiale.

C'est comme si, dans la maladie, il n'y avait plus cette pression, ces fils qui [avant la maladie] nous rattachaient et qui faisaient que la relation était un peu lourde pour moi.
Marika Lhoumeau

Marika

Ce deuil blanc bouleverse Marika Lhoumeau, jusqu'à influencer ses choix de vie, son parcours et sa manière d'être proche aidante.

C'était une suprise totale, je ne m'attendais pas à ça du tout. (...). J'avais envie d'être avec lui. Il restait la beauté de mon père, comme si le vernis social était parti. On avait accès à sa vulnérabilité. Il restait le même avec son petit caractère, ce n'était pas facile tous les jours, mais on dirait qu'on pouvait toucher vraiment à qui il était profondément.
Je n'avais pas eu accès à ça avant dans ma vie. J'ai aimé prendre soin de lui, alors que je pensais que ce serait un fardeau; ce n'est pas du tout ce qui s'est passé en fait.

Roger décède en novembre 2020. Quelque temps avant, Marika cherche à s'outiller en participant à des groupes d'aide pour comprendre ce qu'elle vit. Comédienne et réalisatrice, Marika n'entend pas pour autant jouer le rôle d'une personne qu'elle n'est pas, elle ne se fait jamais passer pour Margot. Alors un jour, Marika offre à son père une carte d'anniversaire...

J'ai signé « Ta fille qui t'aime, Marika ». Il m'a demandé : qui est le père, qui est cette fille? (..) C'est la première que j'ai osé lui dire que j'étais Marika et que j'étais sa fille. « C'est une grosse affaire que tu me dis là! » Il écoutait, il n'était pas capable de retrouver l'information, mais il savait que c'était important (...). Il voulait comprendre, mais il n'y arrivait pas.
Ça m'a permis, juste avant sa mort, de lui dire que je l'aimais, en tant que moi-même. Ça a été un super beau cadeau inattendu. (...) Je ne me suis pas forcée. C'est arrivé. La vie a fait que cette chose-là est arrivée. (...) Dans sa fin de vie, pour moi quelque chose s'est complété dans ma relation avec lui. Et je crois que pour lui aussi, c'était important que cette chose-là se passe.

L’histoire de Marika est importante

Au Québec, plus de 163 000 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer. La Fédération québécoise des Sociétés Alzheimer estime que, pour chaque personne atteinte, d’un à trois proches aidants s’investissent en temps, en énergie et en soins auprès de cette personne. C’est de cette réalité que témoigne Marika Lhoumeau.

Le Mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer permet :

  • De rendre visible. Les témoignages présentent une diversité de situations, de ressentis et montrent que chaque histoire est unique, comme la personne qui la porte. C’est pourquoi l’Appui pour les proches aidants aime partager des témoignages livrés sans fard et sans filtre et d'aller parfois au-delà des mots, que ce soit pour évoquer les premiers symptômes de la maladie ou le diagnostic, ou encore faire connaître les différents hébergements et services offerts;
  • D’apprendre et de partager. Le Mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer permet d’apprendre, puis de transmettre ces apprentissages à d’autres. Par exemple, on peut partager le témoignage complet de Marika Lhoumeau, apprendre de l’histoire de Daphnée et Sandra ou raconter une histoire à un jeune;
  • De prendre la parole. Avez-vous le goût de témoigner? Mettre des mots sur ce que l’on vit aide à donner un sens à notre réalité. On nomme ainsi nos deuils blancs, nos douleurs, nos difficultés, nos peines, mais aussi nos joies, nos aspirations, nos victoires. On met au jour ce qui reste invisible au regard des autres. Car personne ne peut soupçonner toute la profondeur de notre histoire, de ce que l’on porte.

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