5 minutes pour « faire un STOP »

04 décembre 2023

5 minutes pour « faire un STOP »

Le temps des fêtes est synonyme de joies, de retrouvailles, de temps en famille et entre amis, mais aussi de préparatifs. La liste des tâches à réaliser est longue, cela peut être étourdissant.

04 décembre 2023
5minSTOP

Éducatrice spécialisée et intervenante psychosociale, Sylvie Desbiens fait partie des conseillères et conseillers qui vous accueillent lorsque vous contactez Info-aidant. Elle travaille auprès de proches aidants depuis plus de 20 ans, elle est la personne toute indiquée pour une conversation autour de pistes pour s'ancrer dans le moment présent en cette période de fêtes.

Pourquoi devrions-nous nous recentrer sur le moment présent ?

Chaque proche aidant souhaite évidemment faire le mieux possible et rapidement une surcharge de tâches peut arriver. La proche aidance s'ajoute à notre rôle d'enfants, de conjoints, de parents, etc. Le nombre de tâches peut générer fatigue et anxiété. On voit souvent chez les proches aidants une anticipation des scénarios, parfois catastrophes, parfois sans même qu’ils s’en rendent compte. C’est de là que vient l'importance de se ramener dans le moment présent pour réduire l'anxiété et devenir plus efficace pour planifier l'avenir.

Cette citation d’Abraham Lincoln s'applique parfaitement aux proches aidants : « la meilleure chose qui soit à propos de l'avenir est qu'il arrive seulement une journée à la fois ». Quand nous préparons l'avenir et l'imaginons, c’est souvent teinté de notre expérience passée. Par exemple, ma mère devrait aller en hébergement, mais elle ne voudra jamais quitter sa maison, un ami me dit ceci sur l’hébergement, une autre me raconte cela… Bref, nous avons souvent tendance à utiliser l'expérience du passé pour planifier l'avenir. Au fond, nous sommes toujours en mouvement entre passé et avenir.

Comment alors arrêter ce balancier qui nous promène constamment entre l’avenir et le passé? Dans le moment présent, que pouvons-nous faire pour être plus efficaces et reconstruire notre banque d’énergie? Comment nous recentrer, maintenant, ne serait-ce que 5 minutes?

En quoi cela peut-il concerner la personne proche aidante ? La proche aidance serait-elle un… décentrage?

Mon constat est le suivant : quand les personnes sont dans la projection et dans les scénarios de ce qui pourrait survenir, elles basculent en mode défense et s’éloignent ainsi de la recherche de solutions. C'est en observant cela que j'ai commencé à réfléchir à ce qui pourrait être proposé aux proches aidants.

Sylvie, vous aimez les chevaux et vous vous inspirez d’eux dans votre travail d’intervenante psychosociale. Comment?

J'enseigne l'équitation et je gravite autour des chevaux depuis 42 ans. Cet animal, par sa nature, m'a appris à me recentrer sur le moment présent. Si je suis dans l’anticipation, le cheval va automatiquement la ressentir et réagir. Sa réaction au stress est fuir, figer ou attaquer. Ces trois mécanismes sont connus et sont présents chez l’humain aussi.

Avec le cheval, lorsqu'on se recentre dans le moment présent, en étant exactement ancré, « là », le cheval se dépose et devient disponible. Alors, avec cet animal qui pèse à peu près 500 kg et qui peut être imprévisible, nous sommes en sécurité. C'est tangible et visible.

Je me suis mise à réfléchir au fait qu’une personne proche aidante qui accompagne quelqu'un est souvent dans l'anticipation : elle prévoit des événements qui ne sont pas encore arrivés. L’anticipation l’oblige à déployer de l’énergie et des moyens de défense, avant même que le danger ne survienne. Cette anticipation met la personne proche aidante dans une forme de danger.

Alors, comment faire pour se centrer sur le moment présent?

Oui, surtout en cette période de Noël! Et, c’est facile à dire et c'est facile à faire. C'est important de retenir cette phrase. Au fil des années, j'ai développé une approche dans laquelle j’utilise les lettres du mot STOP, approche qui amène à utiliser nos cinq sens et ne prend que 5 minutes :

  • Silence. Se placer dans un endroit calme;
  • Temps. Prendre le temps de s'arrêter, maintenant. Nommer, dans sa tête, cinq éléments devant soi. Par exemple, un pot de fleurs. L'odeur de la tisane qui est en face de moi. Le plancher qui est froid quand j’y pose les pieds;
  • Observation. Observer ce que cela fait d'être là, dans le moment présent;
  • Présent. Prendre ce temps, respirer.

Pendant que je prends le temps d’identifier ces éléments, je ne suis pas dans l'anticipation, en train de penser à l’hébergement pour ma mère. Je suis dans le moment présent, dans mon très court cinq minutes que je m’accorde avec un minuteur. Je l'utilise le STOP pour moi-même et je me permets parfois de parler de cette approche avec des proches aidants.

Quels sont les bénéfices?

Débuter avec le STOP, c’est apprivoiser peu à peu ses bienfaits et apprendre à repérer à quels moments nous tombons dans l’anticipation et quand faire le STOP. Dans le fond, il s’agit d’être un peu enquêteur de soi-même. C'est un entraînement qu’il faut faire. Les humains sont comme cela, se fabriquer des scénarios est normal. Notre cerveau veut se protéger à l'avance d'une situation dangereuse. Ces scénarios m'envahissent et m’habitent? Alors, STOP!

Je ne peux pas rattraper un cheval qui est exubérant, nerveux et qui court. Par contre, je peux me recentrer sur moi, respirer, être dans le moment présent. Vous seriez surpris de voir à quel point, 99 % du temps, quand je fais le STOP, le cheval se calme. C'est intéressant de voir que, se déposer dans l'instant présent, c’est être davantage disponible. À nous de devenir l’ancrage.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret?

Le mari de la personne proche aidante est atteint de la maladie d'Alzheimer. Son père aussi a eu cette maladie et cela a été éprouvant. La proche aidante a une idée de ce qui s’en vient... Oui, mais aujourd'hui et maintenant, le mari est tranquille, en train d’écouter la télé. Il vient de l'aider à laver la vaisselle et ça va super bien. Le STOP est un ancrage : cinq minutes pour retrouver son souffle.

Pour la personne proche aidante, le moment présent est délicat : fatigue, culpabilité, préparation des fêtes, etc. On pourrait plutôt vouloir s’en éloigner!

Plus on essaie de faire le STOP, plus l’approche devient naturelle. Cela n'enlèvera pas le stress, ni le rythme effréné de la vie quotidienne. Malheureusement, le temps est une ressource qui n'est pas renouvelable. Alors, il est important de prendre le temps de s'arrêter pour dire : « ok, là, je me dépose ».

Comment départir ce qui consiste à accepter de notre situation présente et de nos besoins en ressources, services, répit ou encore aide de l’entourage?

Je pense qu’il est important de planifier sans pour autant tomber dans les scénarios. Il peut être bénéfique pour une personne proche aidante de préparer l'avenir. Il y a deux façons d'utiliser un agenda. Écrire la liste des choses à faire, puis refermer l'agenda, ou alors… laisser l'agenda ouvert! Dans ce dernier cas, la liste persiste à occuper notre esprit et nous tombons dans les scénarios.

Lorsqu’un proche aidant a besoin de services et de ressources, il est tout à fait normal d'être habité par cette pensée et d’être proactif pour trouver des services. Mais, il faut faire attention de ne pas devenir hyperactif en basculant dans l'anticipation. L'anticipation est un ennemi de la personne proche aidante, la planification une alliée.

Je vous dis un mot, vous répondez par une pensée…

Douceur : être sous une couette, devant un feu de foyer, avec l'odeur du bois.

Liens familiaux : la période des Fêtes n'est pas facile pour les proches aidants. Il peut y avoir des conflits et des divergences d'opinion dans la famille, mais pourquoi ne pas profiter de ce temps de l’année pour un peu plus de tolérance et de bienveillance?

Simplicité : hum, je dois y penser! Aux proches aidants, je souhaite de profiter de cette période de latence de la nature pour se recentrer intérieurement.

Cheval : la force et la puissance, combinés à la douceur et à la fragilité.

Un immense merci à Sylvie Desbiens pour cette conversation qui a fait l’effet d’une couverture bien chaude et toute douce, odeur de la tisane et du feu de foyer en prime!

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