Rester ensemble, rester chez soi : le défi quotidien de Linda et Alessandro

02 mai 2025

Rester ensemble, rester chez soi : le défi quotidien de Linda et Alessandro

En 2023, notre équipe a reçu une lettre touchante d'une auditrice fidèle du balado, Linda Mainville. Elle partageait son histoire: « Je suis proche aidante de mon mari qui souffre de sclérose en plaques… », écrivait-elle. Cette lettre a ouvert la porte à un récit extraordinaire qui s'étend sur près de quatre décennies.

Linda-Alessandro-AL

Dans la paisible ville de Candiac, en Montérégie, se vit une histoire d'amour hors du commun, celle de Linda Mainville et Alessandro Barbuio. Leur parcours, jalonné de défis et de triomphes, va bien au-delà d'un simple couple face à la maladie. C'est un chemin semé d'obstacles : des épreuves quotidiennes qui épuiseraient n'importe qui, une vie familiale chamboulée, la recherche constante de soutien professionnel, et pour Linda, la nécessité d'apprendre à prendre soin d'elle-même. Leur récit témoigne d'une résilience hors du commun et d'une détermination inébranlable à rester ensemble, chez eux, malgré les épreuves.

Quand la vie bascule : le diagnostic

Lorsque Linda a rencontré Alessandro, elle était loin d'imaginer que leur histoire d'amour serait marquée par un défi de taille. Le diagnostic est tombé comme un couperet alors qu'Alessandro n'avait que 29 ans et que le couple s'apprêtait à se marier.

Pour Alessandro, ce fut un choc immense. « Ça a été terrible parce que je n'avais jamais entendu le nom sclérose en plaques. C'était comme une balle dans la tête », confie-t-il. Face à l'inconnu et à la peur, il a même envisagé le pire. « J'y ai pensé. Absolument. Le goût de mourir, le goût de dire j'en ai assez là. Je n'ai plus le goût de vivre. »

« À l'hôpital, quand il a été diagnostiqué, il m'a dit : Moi, je ne veux pas que tu vives ça, j'aimerais mieux que tu partes », se souvient Linda, la voix empreinte d'émotion. Mais pour elle, partir n'était pas une option. « Ce n'était même pas une question pour moi », affirme-t-elle avec conviction.

Leur maison allait devenir le théâtre de leur combat contre la maladie.

Une vie à deux, des responsabilités multiples

Au fil des ans, Linda s'est retrouvée non seulement aux côtés de son mari, mais aussi de ses parents vieillissants. « C'est là que j'ai commencé à réaliser que ma vie prenait un nouveau tournant », explique Linda. « Au début, je ne me voyais pas comme ça. C'était ma mère, mon père, ils avaient besoin de moi. »

Jongler entre les besoins de ses parents, de son mari et de ses enfants n'a pas été sans difficultés. Linda a dû faire face à l'épuisement et à la culpabilité. « C'est 24h sur 24. Je ne dis pas tout ce que je vois, tout ce que je vis, et je ne dis pas qu'Alex va de moins en moins bien. Ce n'est pas que je veux cacher, mais je ne veux pas transmettre mon fardeau aux autres, et surtout pas à mes enfants », confie-t-elle.

Une main tendue au bon moment

C'est lors d'un salon d'information à Candiac que Linda a rencontré Nancy Gilbert, intervenante au Centre de bénévolat de la Rive-Sud : un tournant dans sa vie. « Je me souviens encore de notre première rencontre », raconte Nancy. « Linda était au bout du rouleau. Elle avait frappé le mur. »

Nancy a pu offrir à Linda le soutien dont elle avait désespérément besoin. À travers des cafés-rencontres et des formations, Linda a pu commencer à reprendre son souffle. « On les guide pour qu'ils prennent soin d'eux-mêmes. C'est un processus, pas à pas », explique Nancy.

Réapprendre à respirer

Grâce à ce soutien, Linda a réalisé l'importance de prendre du temps pour elle-même. Elle a repris ses cours d'aquarelle, une activité qu'elle avait abandonnée depuis des années. « Ça me fait énormément de bien », confie-t-elle. Alessandro, loin d'être jaloux, l'encourage dans cette voie.

Nancy utilise une métaphore parlante: « Je leur parle souvent de leur compte en banque énergétique. Faites attention de ne pas tomber en faillite énergétique. Il faut mettre autant d'énergie en nous que ce que l’on donne à l'autre. »

Une métaphore particulièrement pertinente pour les proches aidants qui, souvent, donnent sans compter jusqu'à l'épuisement. Nancy insiste: « Si vous voulez être l'aidant que vous souhaitez être, il faut demander de l'aide. Il faut s'équiper autant physiquement que mentalement pour pouvoir continuer. »

Le défi du maintien à domicile

La progression de la maladie d'Alessandro a nécessité des adaptations continues de leur domicile. « On a commencé par de petites choses », explique Linda. « D'abord une barre dans la salle de bain, puis une rampe pour l'entrée. Chaque changement était un défi, mais aussi une victoire pour rester chez nous. »

Pour Alessandro, l'idée de quitter sa maison est inimaginable. « Moi, je choisirais de mourir là », dit-il fermement. Le couple a déjà commencé à adapter son environnement, notamment avec une plateforme élévatrice. Linda confie : « On a été chanceux, on a eu un don d'une plateforme élévatrice d'une dame qui s'en départissait. Ça nous permet de rester chez nous plus longtemps. »

Le couple réfléchit également à l'avenir, aux soins à long terme qui pourraient être nécessaires. « On essaie de penser le plus loin possible, où est-ce que ça peut nous amener à rester le plus longtemps possible à la maison », explique Linda.

Cette réflexion sur l'avenir est importante, bien qu'elle puisse être difficile. Nancy encourage les proches aidants à s'y préparer : « Il va y avoir une fin. Préparez-vous à la fin. Ne mettez pas la tête dans le sable. »

Alessandro : un combattant au quotidien

Malgré les difficultés liées à sa maladie, Alessandro garde un esprit positif. Il se rappelle avec fierté les années où il a pu s'occuper de ses enfants à la maison. « J'ai passé de belles années avec mes enfants », dit-il. « C'est un beau cadeau. »

Cette période a été une source de joie inattendue pour Alessandro. « On m'appelait le père rose, l'homme rose », se souvient-il en riant. « Pour un Italien, c'était un peu frustrant. Mais je me savais chanceux. »

Aujourd'hui, à 67 ans, Alessandro fait face à une progression de sa maladie, mais il reste déterminé à profiter de la vie. Il apprécie particulièrement les moments passés dans son jardin et les activités qu'il peut encore faire avec Linda. « Quand je regarde dans ma cour, puis je vois toutes les affaires, les petits oiseaux dehors, j'ouvre les fenêtres, puis j'entends ces oiseaux qui chantent, je me réjouis », dit-il avec émotion.

Cette détermination se traduit parfois par une obstination à rester actif, source de stress pour Linda. Alessandro continue à entreprendre des projets physiquement exigeants, comme récemment, lorsqu'il a verni la terrasse. « Il était à quatre pattes quand il faisait ça », explique Linda. « Quand il fait des travaux comme ça, puis qu'il ne se met pas de limites, ça fait qu'à un moment donné, je ne suis pas là pour lui dire c'est assez... »
Cette activité, bien qu'elle témoigne de la volonté d'Alessandro de rester autonome, est une source constante d'inquiétude pour Linda, qui craint pour sa sécurité et sa santé. C'est un équilibre délicat entre encourager son indépendance et assurer son bien-être, un défi quotidien pour le couple qui doit naviguer ensemble.

L'accompagnement, clé de la résilience

Nancy Gilbert souligne l'importance du soutien offert aux personnes comme Linda et Alessandro. « Il faut leur donner le droit de dire ' j'ai peur ' ou ' je suis tanné ', ou ' j'en peux plus ' », insiste-t-elle.

Elle met l'accent sur un aspect souvent négligé : la reconnaissance de leur rôle. « J'aimerais que les gens dans la situation de Linda se reconnaissent plus tôt », précise-t-elle. « Souvent, ils me disent ' Non, je ne suis pas dans cette situation, Nancy. Je fais juste aider mon conjoint à s'habiller le matin, à prendre son bain. ' Mais c'est exactement ça, être là pour l'autre. »

Cette reconnaissance est fondamentale selon elle. D'abord, elle permet d'accéder plus facilement aux services disponibles. Mais au-delà de cet aspect pratique, elle joue un rôle important dans l'estime de soi et le bien-être psychologique. «Quand ils se reconnaissent comme proches aidants, ils comprennent mieux l'importance de leur rôle et la nécessité de prendre soin d'eux-mêmes », ajoute Nancy.

L'amour comme pilier : trouver la force dans les petits moments

Malgré tous les défis, l'amour entre Linda et Alessandro reste le pilier de leur vie. Ils continuent à partager des moments de complicité et de rire. « On a encore des fous rires », raconte Linda.

Linda et Alessandro ont trouvé des moyens pour continuer à profiter de la vie ensemble. L'acquisition d'une chaise roulante électrique et d'un quadriporteur a été libératrice. Linda détaille : « Ça nous permet de faire des activités ensemble. On peut se promener dans le parc, aller au centre commercial, prendre un café ensemble. »

Retrouvez leur témoignage dans le balado des proches aidants

ic_play Lire la vidéo
https://youtu.be/TouE7qQEX5M?si=IJcLgeMPWp08CCON

Cet article vous a plu?

Abonnez-vous à l’Appuilettre, l’infolettre des personnes proches aidantes et recevez, chaque mois, témoignages, dossiers thématiques ou entrevues.

east Abonnez-vous à l'Appuilettre
close

Besoin de parler?

Contactez Info-aidant pour de l'écoute, de l'information et des références.

Lundi au vendredi de 8 h à 18 h

info
call  Info-aidant :  1 855 852-7784