C'est O.K. de ne pas être tout à fait O.K.

24 novembre 2021

C'est O.K. de ne pas être tout à fait O.K.

Une conversation avec Charlotte Beaudet, coordonnatrice clinique à Info-aidant

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Qu’est-ce que ce thème évoque pour toi?

On est des humains. Ça fait partie de la vie d’avoir des émotions qui ne sont pas toujours positives. Les personnes proches aidantes ne se donnent pas toujours la permission de ressentir des émotions de cette nature. Il est important d’aborder ce thème qui correspond à la réalité des personnes proches aidantes, car celles-ci ont tendance à se mettre en second plan.

Les personnes aidées sont malades, leur état peut se détériorer ; les proches aidants ont alors moins conscience de leurs propres besoins, de leurs limites, et s’effacent. Les personnes proches aidantes peuvent aussi aller trop loin et ne pas reconnaître les signes d’épuisement. Oui, « ne pas être tout à fait O.K. », c’est une situation qui est fréquente dans les appels à Info-aidant.

À quelles conversations cela te fait-il penser?

Parfois, les proches aidants nous disent carrément : « Je suis au bout du rouleau, je ne suis plus capable, je voudrais que mon proche parte. » Ça arrive... Ce sont des mots assez forts. Il y a aussi des personnes qui ont besoin de plus de temps pour arriver au bout de leur réflexion. Beaucoup ne se sont jamais donné la permission ni la liberté de prendre leur place et de vivre certaines émotions.

Il faut les accompagner pour ouvrir la porte de la permission de ne pas être tout à fait O.K. Les conseillers d’Info-aidant les aident à identifier des choses valorisantes et réconfortantes. Mais, parfois, les personnes ont besoin d’un espace à elles pour se permettre d’être vulnérables. Ça, je pense que c’est très précieux.

« Ne pas être O.K. » peut vouloir dire « ne pas être bien », mais aussi « ne pas être d’accord ». Quelle est cette zone d’émotions?

On ne dit pas aux gens : « Voilà, vous avez le droit d’être vulnérable. » Pas comme ça. C’est davantage dans la manière de communiquer avec les proches aidants : on est ouverts à recevoir leurs émotions, que ce soit de la tristesse, de la détresse ou encore de la colère. Les gens s’empêchent de partager ces émotions avec leurs proches, parce qu’ils ne veulent pas alourdir la situation. Ils pensent qu’ils n’ont pas le droit de prendre cette place, parce qu’il leur faut consacrer toute leur énergie à leur proche aidé.

Ne pas être tout à fait O.K., ça peut être plein de choses : colère, tristesse, culpabilité, honte, détresse. Il y a plusieurs manières de ne pas être O.K. Je pense que toutes ces émotions qui font partie de cette catégorie qu’on qualifie d’émotions négatives ont leur place et ont besoin d’être vécues. Par exemple, la colère est un élément qui peut être essentiel au deuil.

Dans notre thème de discussion, il y a ces trois mots : « pas tout à fait ». Quelle est ta réflexion sur eux?

C’est humain. Nous sommes des êtres nuancés, jamais complètement dans le noir, jamais entièrement dans le blanc. C’est la même chose pour les émotions. Par exemple, la colère qu’on peut ressentir s’accompagne souvent d’autres émotions. Il y a plusieurs sphères qui ont de l’influence sur notre vie. On peut être très bien dans notre sphère familiale, alors que dans notre sphère professionnelle, ça ne va pas du tout!

C’est toujours une question de nuances, et c’est la même chose pour les personnes proches aidantes qui cumulent souvent plusieurs rôles : conjoint, parent, ami, travailleur. La personne proche aidante est un réseau complexe.

Ne pas être tout à fait O.K... Si on applique cela à la fin de l’année, aux fêtes et à l’arrivée de la nouvelle année où, peut-être, des décisions difficiles doivent être prises...

C’est une période particulière pendant laquelle plusieurs thématiques ressortent davantage dans les appels à Info-aidant. Par exemple, pour les aidants qui ont perdu un proche au cours de l'année, ça va être plus difficile au moment des fêtes de fin d’année. Surtout que pendant cette période, il y a moins de services : l’accès à certaines ressources est réduit et il y a des changements à la routine, ce qui peut causer du stress.

Je pense aussi au fait que, voyant la nouvelle année approcher, les personnes s’inquiètent. Qu’est-ce qui va arriver si la santé de mon proche se dégrade encore plus? Dans les cas où l’aidé souffre d’une maladie dégénérative, l’appréhension est fréquente. Or celle-ci est une manière de stresser deux fois plutôt qu’une : avant et pendant.

Comme coordonnatrice clinique, comment reçois-tu ces paroles?

Les proches aidants communiquent avec Info-aidant souvent pour parler d’une situation dans laquelle ils se sentent impuissants. Il faut toujours voir avec la personne proche aidante jusqu’à quel point on peut lui faire prendre du recul sur la situation et envisager avec elle des solutions auxquelles elle n’a pas pensé, pour qu’elle retrouve un certain contrôle.

En tant que coordonnatrice clinique, j’offre du soutien aux conseillers et je fais la même chose avec eux. Ils ont eux aussi besoin de prendre du recul et de « débriefer ». Comment le conseiller peut-il prendre de la distance par rapport à cet appel téléphonique? Comment, au besoin, modifier la démarche pour éviter que, la prochaine fois, ça l’atteigne personnellement? Comment ne pas rester avec ça et élaborer une stratégie d’intervention mieux adaptée pour la prochaine fois?

Souhaites-tu préciser un élément?

« C’est O.K. de ne pas être tout à fait O.K. » est un thème qu’on doit aborder régulièrement. Ça sert pour les proches aidants, ça sert aussi pour les intervenants. C‘est un thème pertinent pour tous et qui suscite la réflexion.

J’inviterais les proches aidants qui lisent cet article à se questionner. Est-ce qu’ils reconnaissent leurs émotions? Est-ce qu’ils s’empêchent de vivre certaines émotions? S’empêcher peut avoir des répercussions négatives : du stress, de la culpabilité, de la honte. Je les inviterais à porter cette réflexion en eux en cette fin d’année. Ils peuvent appeler Info-aidant, aller chercher de l’aide, mais aussi faire eux-mêmes le point sur leurs limites. Est-ce que je me respecte dans les choses que je fais pour mon proche? Est-ce que j’en fais trop? Est-ce que je vais trop loin? Mes besoins ont-ils changé depuis que je suis proche aidant?

C’est aussi le moment de se demander si on fait des choses pour soi. Prendre soin de soi, ce n’est pas toujours aller au spa. Ça peut simplement être de s’adonner à une activité qui fait du bien, qui nous apporte du bonheur et du bien-être, comme boire un chocolat chaud sur son balcon.

Info-aidant est un service d’écoute, d’information et de références professionnel, confidentiel et gratuit. Pendant les fêtes, Info-aidant reste ouvert tous les jours, de 8 h à 20 h, par téléphone, au 1 855 852-7784, et par courriel, à l'exception des vendredi 24 et samedi 25 décembre ainsi que des vendredi 31 décembre et samedi 1er janvier.

Propos recueillis par Karine Cloutier, chargée de projets aux communications à l’Appui pour les proches aidants. Merci, Charlotte pour ce beau moment d’échange !

Charlotte Beaudet est coordonnatrice clinique à Info-aidant depuis novembre 2021. Avant d’occuper ce poste, elle a travaillé en tant que conseillère aux proches aidants et conseillère clinique.

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